Dans un projet, savoir communiquer auprès de ses équipes est une compétence clé. En effet, une petite phrase devant l’ensemble des collaborateurs peut définitivement mettre à mal un projet innovant à cause d’une mauvaise conduite du changement.
Dans notre série d’articles sur la conduite du changement, nous partons d’anecdotes rencontrées en entreprises pour mettre en lumière certains écueils et vous proposer quelques conseils pour les éviter.
L’entreprise en question est ici une belle ETI familiale et industrielle. Depuis des générations l’activité se transmet et l’on retrouve une bonne partie de la famille au sein de l’équipe de direction.
L’entreprise qui emploie plus de 500 personnes est en forte croissance. Elle fait partie des leaders nationaux sur son marché et tente de s’imposer à l’échelle européenne. L’entreprise fournit à la fois les marchés de vente aux détails avec des produits finis pour les particuliers et des solutions en B2B.
La direction décide donc de moderniser les processus commerciaux et de se doter d’outils numériques. En effet, l’entreprise dispose déjà d’une bonne capacité de pilotage de la production, de la finance et de la supply chain via un ERP. Toutefois, les dirigeants ont le sentiment que l’activité commerciale, et surtout la croissance et l’acquisition de nouveaux clients, reste très difficile à piloter.
C’est alors toute la chaîne marketing – vente qui est invitée non seulement à se réinventer pour gagner en productivité, mais aussi à fournir davantage d’indicateurs de pilotage. Globalement l’objectif est de pouvoir mieux anticiper l’activité et donc d’ajuster au plus fin la capacité de production et les approvisionnements.
Dès lors, une équipe projet est créée et des ateliers internes se déroulent, afin d’imaginer comment l’activité commerciale pourrait s’améliorer.
Après moult échanges l’équipe de direction a identifié sa solution sous l’appellation CRM. Les besoins sont exprimés, un cahier des charges est rédigé et les consultations ouvertes. Quelques semaines après la signature du contrat, le prestataire demande donc à faire une réunion de démarrage. Il souhaite officialiser le lancement du projet et l’annoncer à une très large audience, dont les membres des la chaine marketing-vente.
L’évènement a donc lieu dans une grande salle, à une époque où il était était encore possible de réunir une centaine de collaborateurs. Les participants sont celles et ceux plus ou moins directement concernés par ce projet.
Le PDG intervient donc et après une rapide introduction et quelques considérations générales, il rappelle que l’objectif de ce projet est d’« être plus productif et d’économiser en coût commercial ».
Hors contexte, cette annonce parait tout à fait louable et rationnelle, mais la communication est tout sauf une question décontextualisée.
Les équipes du prestataire, qui devaient après ce meeting de lancement enchaîner avec des ateliers de préparation, se sont sentis très seules pour répondre aux questions des équipes commerciales et marketing :
Ici, tentons de comprendre la réaction des équipes concernées. Ce qu’elles interprètent des paroles de leur PDG c’est « vos salaires représentent un coût, nous souhaitons le réduire ».
Difficile dès lors de piloter le changement auprès d’une population qui craint un remplacement par la machine, un asservissement ou une aliénation.
Quand bien même ces propos auraient été tenus par un chef de projet, un manager intermédiaire ou même un stagiaire, ils n’auraient pas eu la même portée. La même phrase, prononcée de manière identique par deux personnes différentes n’a effectivement pas le même effet.
De nombreux travaux scientifiques sur le sujet montrent que la communication n’est jamais neutre.
Par exemple une étude de 2014 parue dans le Business and Economics Research Journal menée auprès de 583 salariés a démontré que la communication avait un effet positif sur la conduite du changement. Cependant, cet effet positif est conditionné par le sentiment de justice organisationnelle des salariés.
En d’autres termes, la communication permet de réduire les résistances au changement mais seulement lorsque les personnes à qui elle est destinée perçoivent les pratiques de leur employeur comme étant justes et fondées. Ainsi, la communication est une interprétation, donc jamais neutre.
Le problème ici, est que la communication sur le projet n’a pas été anticipée en phase de conduite du changement. Le dirigeant partage son point de vue, la façon dont il voit le projet, selon son prisme, nous dirons d’un point de vue comptable.
Lors de la réunion de lancement il s’est lancé dans une rapide improvisation, tenant ses propos sans filtre, comme il peut avoir l’habitude de le faire en comité de direction, avec des personnes qui partagent son interprétation et qui comprennent ce qu’il souhaite dire de cette manière.
Imaginons, qu’au lieu de dire « économiser sur le coût commercial » il ait dit : “permettre aux équipes commerciales d’acquérir plus de clients, de gérer un plus gros portefeuille d’affaires et donc plus de commissions ».
Le rapport face à ce projet de changement aurait très certainement été différent. Pourtant, l’action que l’on souhaite promouvoir dans les deux situations est la même : utiliser une base de données centralisée pour obtenir des résultats commerciaux identiques sinon meilleurs en moins de temps et avec moins d’effort.
C’est malheureusement ce qu’il se passe dans de nombreux projets, le changement n’est pas suffisamment qualifié, défini et pris en compte dans les instances de pilotage … Ici, on touche aux compétences fondamentales des équipes commerciales et marketing, leur capacité relationnelle, des années de terrain … et du jour au lendemain on leur demande de tout mettre dans une machine. Sans préparation, il peut être entendu « tout ce qui fait votre valeur ne sert plus à rien maintenant que nous disposons du CRM». Leur réaction est donc tout à fait normale, comme l’explique le sociologue François Dupuy dans “La Faillite de la pensée managériale”
Le changement dans son état futur, pour ne pas créer de cassure, doit passer par un état transitoire. Celui-ci a visiblement été éludé et a donc été perçu comme brutal par ceux à qui il était destiné. Pour schématiser, c’est comme entamer une ascension collective en partant d’un rez-de-chaussée pour se rendre à un cinquième étage sans ascenseur, ni escalier. Le pire, serait d’imaginer que seuls quelques leaders aient toutes les cartes en main.
Insuffisamment préparé, le changement et sa communication induisent fréquemment l’inquiétude, le rejet, la réticence.
La matrice du plan de communication, permet d’anticiper tous les éléments de langages nécessaires à l’accompagnement.
Si la déclaration du dirigeant n’a pas enterré le projet, elle ne l’a pas facilité non plus. Alors, qu’est ce qui aurait pu être fait ?
Les bonnes pratiques Prosci, ainsi que les fondamentaux des sciences de la communication, offrent une méthodologie éprouvée.
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Simon Le Bayon, PhD
Consultant en stratégie digitale