Gérer le changement peut paraître difficile à appréhender. Ou alors au contraire, être réduit à un simple exercice de l’ordre de la routine. Dans notre série d’articles sur la gestion du changement, quelques exemples rencontrés en entreprises nous permettent de pointer une situation souvent retrouvée.
Prenons le cas d’une entreprise industrielle française en pleine croissance. Cette ancienne PME familiale a traversé les âges. Aujourd’hui centenaire et forte de son millier de salariés, elle a réussi à évoluer avec son temps pour accompagner sa croissance.
En pleine refonte de son système d’information et aux prises avec la crise sanitaire, la société a choisi de moderniser sa gestion commerciale et d’entreprise en mode SaaS dans un environnement multi-sociétés.
Très attachée à une gestion locale et physique de ses données, elle doit administrer ses problématiques de couverture réseau et le passage au SaaS et à la dématérialisation qui le caractérise. Soit un changement d’importance.
Couplé à l’ampleur de son périmètre, autant dire que ce projet de transformation a permis de mettre au jour de nombreux défis. Ils sont autant de potentielles menaces auxquelles l’entreprise a dû se heurter. De possibles embûches indissociables du versant humain du projet.
L’identité même de cette entreprise, son savoir-faire et son expertise, forgés à travers les décennies est une force indéniable. Elle fixe les fondations et permet une vision forte de l’avenir souhaité. Ce côté historique s’accompagne néanmoins de contreparties non négligeables. Telles que la gestion de ce patrimoine familial et la perception client.
En effet, les modes de raisonnement et les modèles qui faisaient le succès des entreprises au début du XXe siècle ont évidemment changé. Par exemple, les critères de choix des produits par les clients finaux sont multifactoriels. Ils impliquent une visibilité accrue face à la concurrence.
Tout changement pour être bénéfique passe par différentes étapes au niveau individuel. Tout d’abord avoir conscience de la nécessité de ce dit changement. Mais aussi l’envie d’y prendre part en intégrant les connaissances nécessaires et la capacité de mise en œuvre du projet. Et pour en faire un succès durable, il faut capitaliser publiquement sur les premiers succès. De plus, les initiatives doivent s’accompagner d’encouragements.
Autre point notable, les outils numériques sont porteurs d’une philosophie d’usage ou tout du moins de cadres organisationnels nécessaires. Ils reflètent les évolutions sociétales dans lesquels ils s’inscrivent. Dès lors, toute culture d’entreprise un tant soit peu non-alignée avec ces principes sous tendus, se voit malmenée par l’intégration de l’outil.
C’est notamment le cas de la solution collaborative Microsoft Teams qui a ici été intégrée, tirée par la nécessité du travail à distance. Or pour tirer parti de telles solutions les modalités de travail doivent capitaliser sur de réelles logiques de collaboration et de communication en réseau.
Tout projet de changement pose la question du sentiment de contrôle. En effet, c’est un moteur de la plupart des conduites humaines et son retrait ou son absence a maintes fois démontré des effets délétères dans le domaine de la santé ou de la performance professionnelle.
Dès lors, les personnes qui font face à un changement d’ampleur qui menace leur sentiment de contrôle vont faire en sorte de le préserver. Comme par exemple en utilisant la CRM à des fins non prévues. Ou encore en gardant pour soi des informations stratégiques. Voire même en omettant des données dans leur analyse issues de la production. On peut aussi imaginer un usage passif ou non réciproque des solutions collaboratives à disposition…
Dans le projet ici mentionné, la résistance induite par ce facteur s’est manifestée au niveau de l’équipe IT. Elle voyait dans le projet et la masse de nouvelles solutions une menace de son savoir-faire et une mutation brutale de son rôle. La transformation digitale n’est pas technique, c’est avant tout une histoire humaine.
Pour faire face à ces problématiques et dans un souci de pragmatisme, plusieurs pistes sont envisageables voire nécessaires.
La première, consiste à prendre en considération l’ensemble des implications de la solution et de ses impacts sur chacune des personnes utilisatrices de celle-ci. La méthode Prosci en distingue 10 qui sont :
Plus le nombre d’aspects touchés est important et de grande intensité, plus le projet est risqué et doit être accompagné sur le volet humain.
En l’occurrence, en complément des systèmes et des process, l’équipe IT de notre client voyait son rôle professionnel être profondément transformé. Il a donc fallu d’abord créer la volonté d’aller vers le changement, ce qui consistait à gérer différemment les composantes du SI. Concrètement, ces éléments de diagnostic, quand ils sont anticipés, doivent faire l’objet d’actions dédiées et cohérentes. Elles doivent également être orchestrées par un plan d’accompagnement du changement.
Pour pouvoir accompagner au mieux les transformations induites par un projet de changement, il est indispensable d’adopter une posture stratégique et visionnaire. Et pour la concrétiser, il est nécessaire de faire appel à un réseau de gouvernance.
Celui-ci comprend différents rôles projets internes pour le client qui rentrent en interaction les uns avec les autres afin de gérer le changement : Sponsor, chef de projet, utilisateurs clé, managers, fonctions support… tout l’enjeu est de créer une dynamique positive autour du projet et de faciliter la communication à double sens.
Pour ce faire, certains outils permettent d’évaluer le réseau de changement pressenti et ainsi différencier l’accompagnement de ces personnes, en fonction de leur besoin particulier.
Les deux caractéristiques essentielles à retenir pour cette évaluation concernent :
La gouvernance d’un projet et particulièrement l’efficacité du sponsor est l’atout numéro 1 des projets de changement qui atteignent leurs objectifs, et ce depuis 22 ans selon les analyses de pratiques de Prosci. Toujours selon cette étude biannuelle, la probabilité de réussir son projet est 2,5 fois plus importante avec un sponsor extrêmement efficace comparativement à un sponsor très inefficace.
La difficulté principale en la matière rencontrée dans le projet ici évoqué concernait le degré d’implication du sponsor et par extension sa légitimité à impulser le changement. Dans le cadre des entreprises familiales ce positionnement d’un sponsor projet est toujours délicat, tant le poids de l’héritage est important.
Dans les faits, le sponsor doit à la fois s’inscrire dans la continuité sur ce qui a fait la force de l’entreprise et son adaptabilité. Il doit également prendre en compte les enjeux de la transformation. Ainsi que ménager ses collaborateurs dans les changements graduels qui vont être opérés.
A cette fin, le plan d’accompagnement se doit d’être progressif et agile. L’objectif est de délivrer de la valeur pour tous en continu. L’engagement actif et visible du sponsor est la clé pour réussir. Ce que Nassim Nicholas Taleb, (ex-trader, statisticien et épistémologue, théoricien de l’effet cygne noir) appelle « jouer sa peau », est une condition sine qua none à la réelle compréhension des implications concrètes des hypothèses stratégiques avancées.
Capitaliser sur un fort héritage organisationnel est moins aisé qu’il n’y parait, particulièrement lorsqu’il s’agit de gérer le changement.
Trois points nous paraissent essentiels :
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5 études de cas pour améliorer sa gestion du changement
Fabien Silone, PhD
Consultant en innovation & gestion du changement