La gestion du changement à l’épreuve du COVID-19
Changement d’outils, de modèles économiques, de process, de rôle, incertitude, multitude de projets, instabilité de l’emploi, nouvelles organisations familiales, multiplication des préoccupations… Le contexte COVID-19 sans précédent a questionné la capacité de gestion du changement d’un grand nombre d’entreprises et de salariés. En outre, elle a mis au jour des difficultés à s’adapter et à agir.
Défini par le cabinet spécialisé Prosci comme le passage d’un état présent à futur qui nécessite de passer par un état transitoire, le changement peut être difficile à appréhender. Surtout quand il n’est pas prévisible. Peut-on qualifier de phase transitoire les quelques jours qui ont séparé l’annonce du confinement de sa mise en place effective ?
Pour près de la moitié des DRH d’entreprises françaises (47 %) interrogés par Willis Tower Watson en septembre dernier(1), l’accompagnement du changement et la réorganisation du mode de travail reste un défi majeur dans cette période incertaine. Preuve que les quelques mois de confinement et la rentrée partagée entre retour à la normale et maintien du télétravail n’ont pas suffi pour trouver une réponse empirique pour le gérer.
Réconcilier les enjeux business et humains : le rôle du manager
Tout changement, qu’il soit imprévisible ou souhaité, se doit d’être articulé avec pertinence autour d’un triptyque. Les trois piliers sont l’organisation, les groupes et les individus. Ces trois composantes permettent de garantir cohérence, adhésion et implication face au changement.
Accompagner le changement d’un point de vue technique, c’est bien. L’accompagner d’un point de vue humain, ce n’est pas seulement mieux mais nécessaire. Alors si le premier est de manière générale intégré dans la gestion de changements d’ampleur, le second est souvent délaissé au profit des enjeux business de l’organisation. L’idée étant trop souvent que l’excellence technique viendrait pallier l’insuffisance en accompagnement humain.
Ainsi, dans cet effort d’adaptation, l’accompagnement des managers est essentiel. En plus d’être responsables de leur propre changement, ils ont leur rôle à jouer dans celui de leurs collaborateurs. D’autant plus quand il s’agit de guider dans l’incertain.
Faire appel aux compétences relationnelles
Certaines organisations traditionnelles, bureaucratisées, très hiérarchisées et à la communication top down, ont montré qu’elles étaient à la fois plus exposées aux effets négatifs du changement et moins armées pour y répondre que les organisations plus flexibles. Non parce qu’elles manquaient d’organisation : les moyens techniques ont pour la plupart pu être rapidement déployés. Mais parce que le partage de la vision de l’entreprise, aussi court-termiste soit-elle face au contexte, ajouté au manque de relationnel et de soutien social, indispensable à la gestion du stress, ont chez certaines fait défaut.
La gestion du changement qui nécessite des compétences techniques appelle plus que jamais des compétences relationnelles. Elles obligent donc le manager jadis contrôleur à endosser le rôle de facilitateur et à pratiquer l’écoute active.
Si le changement est partout, parfois imprévisible, comment s’y préparer ?
Face à un changement d’ampleur, il est fréquent de vouloir s’adapter à tout prix en se recentrant sur ce qu’on connait. Pendant le confinement, certaines entreprises ont eu recours parfois abusivement à la visio-conférence. Cet outil a parfois été employé comme un moyen de contrôle. Mais surtout pour reproduire des réunions habituelles, créant chez leurs salariés une « Zoom-fatigue ». 60 % des employés de bureau allemands ont déclaré connaître le phénomène(2).
Par ailleurs, une autre étude(3) démontre que la surinformation et la sur-sollicitation induites par ces pratiques ont des effets négatifs sur les usages et la productivité des salariés. Paradoxal quand elles sont censées les favoriser. En fait, ces effets négatifs sont la résultante du stress aigu et de la perte d’un sentiment de contrôle dont on connait les effets dévastateurs sur la santé.
Accroître sa compétence organisationnelle à changer était auparavant perçu comme un avantage compétitif. Aujourd’hui, c’est devenu un prérequis indispensable à la survie des organisations. Qu’il soit imprévisible ou souhaité, le changement se doit en effet d’être géré. S’il n’existe pas de recette, quelques ingrédients peuvent aider à mieux l’appréhender.
Le changement doit être géré
La gestion du changement doit reposer sur la culture organisationnelle de l’entreprise. Elle en est le fondement, le capital et la boussole. Le dialogue tout au long du travail d’équipe, l’alignement autour d’un objectif commun et le partage des informations sont des éléments qui renforcent cette culture d’entreprise. De plus, ils clarifient pour chaque collaborateur le rôle qu’il a à jouer.
Garder en tête son environnement et ajuster sa proposition de valeur quand c’est possible peut donner l’avantage. Face à la crise inédite avec laquelle on doit composer, on peut être tenté de ne s’en tenir qu’au projet, sa qualité, son coût et ses délais. Tout en oubliant que l’adaptation au contexte environnemental est primordiale. Dans cet exercice, il faut veiller à rester fidèle à son identité et ses valeurs. Car ce sont les seuls garants d’une identification des salariés aux changements opérés.
S’appuyer sur les compétences transférables et immuables des salariés, plutôt que sur des techniques et des outils dépendant de l’ère du temps peut faire la différence. Et en particulier en cette période incertaine. On a vu que les entreprises qui ont adapté leur activité au contexte ont eu moins de difficultés à se maintenir à flot et que l’expérience a été valorisante pour les salariés.
A l’heure où l’épidémie sévit de plus belle et va induire à nouveau des changements, il est indispensable de s’y préparer et de les gérer, aussi bien à l’échelle organisationnelle qu’individuelle.
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Webinar : Comment gérer les résistances face au numérique ?
1. Enquête « Retour au bureau » réalisée en septembre 2020 par le cabinet anglo-américain auprès de 106 DRH d’entreprises françaises
2. Etude menée par l’Université des sciences appliquées de Ludwigshafen
3. Tams, S., Ahuja, M., Thatcher, J., & Grover, V. (2020). Worker stress in the age of mobile technology: The combined effects of perceived interruption overload and worker control. Journal of Strategic Information Systems, 29(1), 101595. https://doi.org/10.1016/j.jsis.2020.101595